La quête de solutions technologiques permettant d’économiser le travail grâce à l’intelligence artificielle présente un paradoxe : alors que l’IA promet de réduire la charge de travail humaine, son développement et sa maintenance reposent fortement sur des contributions humaines. Dans le cadre de cette intervention, je vais me concentrer sur une activité spécifique : celle des travailleuses et travailleurs qui préparent les données nécessaires pour les modèles de machine learning. Leur travail, précaire et mal rémunéré, soulève des questions cruciales sur le véritable coût et l’impact des technologies d’automatisation.
Les recherches de mon équipe de recherche DiPLab dans plus de 20 pays en Afrique, en Europe et en Amérique latine révèlent un marché du travail mondialisé, ou une main-d’œuvre invisible étiquette des images, transcrit des textes, modère du contenu pour les réseaux sociaux ou évalue les réponses des chatbots.
En explorant les dynamiques d’exploitation, les influences coloniales persistantes et la répartition géographique de la valeur au long de chaînes d’approvisionnement pour la production d’IA, cette présentation vise à fournir des éléments pour remettre en question les récits sur la fin du travail et pour développer une vision plus précise du rôle des êtres humains dans des sociétés hautement automatisées.
Bio : Antonio A. Casilli est professeur de sociologie à Telecom Paris, Institut Polytechnique de Paris et by-fellow au Churchill College de l’Université de Cambridge. Il est co-fondateur de l’initiative de recherche DiPLab (Digital Platform Labor) et du réseau international INDL (International Network on Digital Labour). Parmi ses publications figure Waiting for Robots. The Hired Hands of Automation (University of Chicago Press, 2025). Il est également co-auteur de deux documentaires : Invisibles. Les travailleurs du clic (2020) et Les sacrifiés de l’IA (2025), produits par la France Télévisions.